Les lampes au magnésium SOLOMON et GILLET & FOREST
Posté par Patrice Guerin le 29 mai 2014
En 1808, sir Humphrey DAVY (1778-1829) obtient, par électrolyse, un petit amalgame de magnésium à partir d’un mélange de magnésie et d’oxyde de mercure, mais il faut attendre 1829 pour que cette matière soit obtenue en plus grandes quantités par le chimiste français Antoine BUSSY (1794-1882).
C’est un métal blanc très léger, assez semblable à l’argent, dont la densité se rapproche de celle du verre. Il s’enflamme difficilement sous forme de bloc, mais très facilement s’il est réduit en petits copeaux ou en ruban, et brûle avec une flamme très lumineuse. « Un fil de magnésium de 0,3mm de diamètre et de 9cm de long, donne pendant 1 minute une lumière de 74 bougies. Le poids brûlé est de 12 centigrammes, ce qui donne une consommation de 72 g par heure… au prix de 1,20 frs le gramme. »
A l’époque c’est l’une des sources d’éclairage les plus puissantes avec la lumière oxhydrique. Cette lumière très vive et légèrement bleutée peut être obtenue de façon continue à l’aide d’un appareil breveté par Joseph SOLOMON, opticien installé 22 Red Lion Square à Londres, le 30 septembre 1864 (en France), pour un « un appareil mécanique ou lampe propre à brûler le fil de magnésium ».
La lampe au magnésium est principalement composée d’un réflecteur parabolique argenté R au centre duquel se trouve un double tube T dans lequel arrive progressivement le fil de magnésium M. Ce tube peut facilement être remplacé lorsque son extrémité est détériorée par la haute température qui résulte de la combustion du magnésium ; c’est pourquoi certains modèles auraient été équipés de tubes ayant une extrémité en platine. A l’arrière un mouvement d’horlogerie H, remonté à l’aide d’une clé C, permet de faire avancer progressivement le fil grâce à deux galets moletés G pressés l’un sur l’autre par un ressort. La vitesse de défilement est régulée à l’aide des ailettes d’un régulateur A situé à la partie supérieur du mécanisme. Le fil est logé dans un dévidoir D situé à l’arrière de l’ensemble. Le tout repose sur un trépied composé de deux pieds en métal P et d’une poignée en bois B permettant de déplacer facilement l’appareil. Au dessus de cette poignée, un petit levier L permet d’embrayer ou de débrayer le mécanisme.
Il est recommandé de tresser ensemble 2 fils de magnésium et 1 fil de zinc, ce dernier donnant au ruban une certaine rigidité et par suite l’empêche de se tordre en brûlant : effet souvent produit par le magnésium seul, au grand détriment de la fixité du point lumineux. Dans un bulletin de la Société Française de Photographie (1867-69), on rapporte que « M. Romain TALBOT met sous les yeux de la Société un appareil-lanterne pour amplifications, permettant d’obtenir une épreuve 58x44cm en 20 secondes par la lumière du magnésium, à laide de la lampe à magnésium construite, comme l’appareil lui-même, par M. SOLOMON, de Londres… ».
Il existe différents modèles de lampes au magnésium, fonctionnant toutes sur le même principe. L’une de ces lampes est fermée à l’avant par une vitre bombée, ce qui permet de contenir les fumées de combustion dans la lampe. Elle possède une cheminée d’évacuation sur le dessus et un cendrier coulissant dans la partie inférieure, destiné à recevoir les restes de combustion. Ce modèle est signé GILLET & FOREST constructeur 32 boulevard Henry IV à Paris. Cette société en nom collectif au capital de 300.000 fr n’a existé que trois an de 1895 à 1898. Ensuite, on trouve une société GILLET et FOREST fabricant d’automobiles à Saint-Cloud (Seine) de 1900 à 1907 environ.
Malgré certaines qualités et une lumière très vive, l’emploi du magnésium dans le domaine de la projection présentait de sérieux inconvénients car sa combustion dégageait d’abondantes fumées blanches de magnésie qui se déposaient rapidement à l’intérieur de la lanterne et plus particulièrement sur le condensateur et le réflecteur, les recouvrant d’une couche opaline qui voilait peu à peu la lumière.
Cet éclairage, assez onéreux lors d’un usage prolongé « 10 fois plus cher que l’éclairage à l’huile », est cependant intéressant si on s’en sert dans une lanterne destinée à effectuer des agrandissements photographiques. En effet il donne des rayons « très actifs et très photogéniques », c’est à dire des plus propres à impressionner les plaques. « Les propriétés photogéniques de la lumière obtenue par combustion de ce métal sont extrêmement curieuses. On sait qu’une source lumineuse est d’autant plus propice aux reproductions photographiques, qu’elle renferme plus de rayons chimiques, c’est-à-dire qu’elle agit plus énergiquement sur les sels d’argent employés en photographie. Or la lumière du magnésium est de beaucoup la plus active, au point de vue chimique, des sources de lumière artificielle. Le soleil, lorsqu’il n’est obscurci par aucun nuage ou brouillard, ne contient que trente-quatre fois plus de rayons chimiques qu’un fil de magnésium brûlant et donnant une lumière égale en dimension au diamètre apparent du soleil. »
Lampe au magnésium “L’Etincelle” “Brevetée S.G.D.G.” – Collection G.V.
Arrivant à une époque où d’autres sources lumineuses commençaient à être régulièrement employées dans la projection, le magnésium connaîtra un développement très limité dans ce domaine, mais sera par contre utilisé pendant très longtemps en photographie pour alimenter les premiers flashes à éclair.
Illustration provenant du livre “The magic lantern manual” de W.J. Chadwick London 1879
Sources : “Les Merveilles de la Science” par Louis FIGUIER 1867 - “La lanterne de Projection” par H. Fourtier aux Editions Laverne et Cie Paris 1889 – “Le génie industriel” 1865.
Pour voir un modèle plus récent cliquer ici
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