Après que l’on eut découvert les différents “trucs” utilisés dans les spectacles de Fantasmagorie et autres tours de magie, faisant apparaitre des spectres et revenants de l’au-delà, la lanterne de projection est régulièrement utilisée sur les grandes scènes théâtrales, aussi bien en France qu’à l’étranger pour produire de nombreux effets.
Voir : Spectacle de fantasmagorie ROBERTSON – Projection de SPECTRES VIVANTS et de FANTOMES au théâtre
Opéra “Moïse et Pharaon” en 1860. Effets lumineux sur Moïse et arc-en-ciel
Grâce au régulateur électrique inventé par messieurs FOUCAULT et DUBOSCQ milieu du XIXe siècle, le théâtre peut enfin réaliser des “effets spéciaux” dignes des grandes scènes parisiennes.
Voir : Régulateur à arc électrique FOUCAULT DUBOSCQ
Dans “Faust”, le rayon lumineux qui vient dessiner sur le grand pilier de la cathédrale et le parquet de la scène les contours indécis des vitraux du chœur est issu d’une lanterne de projection. Les effets du soleil levant du “Prophète” de MEYERBEER et d’arc-en-ciel dans “Moïse et Pharaon” de ROSSINI sont dus aux mêmes moyens.
Soleil levant
En 1849, l’appareil employé au troisième acte du “Prophète”, pour imiter le soleil levant, se compose d’une lampe à arc portée par un support de bois et munie d’un grand réflecteur parabolique. A l’avant est placé un écran de soie tendu sur un cadre, qui est traversé par un faisceau cylindrique de lumière, formant ainsi une tache ronde représentant le disque solaire. L’appareil tout entier, convenablement masqué par les décors, s’élève lentement derrière l’écran situé en fond de scène, de sorte que l’astre du jour semble monter progressivement au dessus de l’horizon.
Arc-en-ciel
C’est en 1860, dans le premier acte de l’opéra “Moïse”, qu’on applique pour la première fois l’électricité pour produire un arc-en-ciel. Une lanterne équipée d’un arc électrique est placée sur un échafaudage de hauteur convenable, à 5 mètres du rideau et perpendiculairement à la toile qui figure le ciel. Les rayons lumineux traversent d’abord un premier système de lentilles, qui les rend parallèles, puis un écran opaque découpé en forme d’arc. Ils passent ensuite à travers une lentille biconvexe, qui sert à augmenter la courbure de l’image et à lui donner une extension plus considérable et traversent enfin un prisme placé de telle sorte que les couleurs apparaissent dans l’ordre naturel, c’est-à-dire le rouge en haut et le violet en bas.
Voir : L’éclairage à arc électrique pour les décors de théâtres et d’opéras
Eclair
Pour obtenir un éclair aussi réaliste que possible, on utilise l’arc électrique formé entre deux charbons placés à l’avant d’un miroir plan. Le charbon supérieur est fixe tandis que l’autre peut être avancé ou reculé selon les besoins. Ce dernier est fixé à une tige de fer doux pouvant pénétrer à l’intérieur d’un solénoïde qui fait partie du circuit placé derrière l’appareil. Tant que le courant ne passe pas, les charbons restent en contact sous l’action d’un ressort qui pousse celui du bas. Si l’on vient à fermer le circuit, le fer doux attiré pénètre à l’intérieur du solénoïde, le charbon mobile recule et l’arc lumineux se forme, puis s’éteint aussitôt. Le charbon inférieur revient au contact, poussé par le ressort et l’appareil est près à produire un autre éclair. L’appareil étant de faible dimensions, il peut être confié à un technicien en coulisse, voir même un figurant sur scène, qui peut l’activer sur une réplique ou un mouvement particulier. Il a fait son apparition pour la première fois, sur la scène du théâtre des Variétés, dans les “Voyages de la Vérité”.
« Quand Emile secoue sa tôle, Pierre souffle dans sa pipe ! » 1873
Dans certains théâtres, on obtient aussi d’excellents éclairs à l’aide d’un dispositif électrique encore plus simple. On relie les deux pôles d’une source électrique assez puissante, l’un avec une grosse lime un peu usée, l’autre avec un charbon à lumière. En frottant le charbon sur la lime, on obtient à la rupture de chaque contact, un arc électrique dont la lueur correspond à un bel éclair.
Dans les petits théâtres ne possédant pas encore la lumière électrique, on se sert d’une sorte de grande pipe dont le fourneau est rempli par une éponge imbibée d’alcool et saupoudrée de lycopode « En allumant et en soufflant fortement par le tuyau, on produit dans la coulisse une grande flamme qui illumine la scène un court instant, comme un éclair pendant ».
Tonnerre Vent Pluie
Tous ces effets visuels sont renforcés par des effets sonores tout aussi impressionnants. Le bruit du tonnerre est provoqué par un roulement de tambour ou l’agitation d’une feuille de tôle suffisamment souple. Le vent provient d’un double cylindre en papier gris que l’on tourne plus ou moins rapidement ; quant à la pluie on utilise un grand sablier en bois rempli de copeaux de zinc et de morceaux de papier de verre !
Nouveau théâtre de la porte Saint-Martin à Paris, reconstruit en 1873
Dans les années 1895, monsieur TROUVE emploie au théâtre de la Porte Saint Martin, dans le “Maître d’armes”, un dispositif fort simple et ingénieux. Une petite lampe à incandescence dont le foyer très concentré possède une grande puissance lumineuse est placée à l’extrémité d’une longue tige flexible – une gaule de pêche par exemple – ; un commutateur à pied permet d’allumer ou d ‘éteindre cette lampe très facilement. Il suffit, à l’instant voulu, d’agiter la tige en zigzag, de haut en bas, pour imiter la chute de la foudre sur un lieu précis.
Lorsque le faisceau lumineux doit suivre un personnage, comme dans “Faust”, “Hamlet”, etc. il est nécessaire d’utiliser une lanterne plus légère, en bois ou en tôle, équipée de lentilles permettant de concentrer la lumière et d’un diaphragme placé devant l’objectif afin d’augmenter ou de réduire l’importance du faisceau lumineux.
La plupart de ces dispositifs et appareils ont été inventés et mis au point par la maison DUBOSCQ.
Voir : La maison d’instruments d’Optique et de Précision SOLEIL – DUBOSCQ – PELLIN - Le régulateur à arc électrique DUBOSCQ
Source de l’article : “L’électricité au théâtre” par Julien LEFEVRE – Paris A. GRELOT éditeur de l’Encyclopédie Electrique – Vers 1894