Une séance de lanterne magique chez les Grandpierre
Posté par Patrice Guerin le 4 avril 2012
Vue provenant de la conférence illustrée n° 252 – Après l’Ecole février 1909
« Le capitaine Grandpierre n’avait que trente-cinq ans lorsqu’une blessure reçue devant Sébastopol le força de renoncer au service. Mais une douce consolation lui était réservée, il devait épouser à la fin de la guerre, Hélène Lebrun, une jeune fille, bonne, aimable et bien élevée qui lui avait inspiré autant d’estime que d’affection…
Le jeune ménage vivait largement et faisait des économies, même après la naissance d’un joli bébé, dont monsieur Grandpierre se promit de faire un maréchal de France ou tout au moins un colonel. Une petite sœur naquit l’année suivante, puis une autre, et celle-ci fut suivie de deux gros garçons… Monsieur Grandpierre, absorbé dans une lecture intéressante, ne faisait attention ni à la mauvaise humeur d’Alfred, le petit dernier, ni aux joyeux propos qui, de temps à autre, rompaient la monotonie du jeu choisi par ses autres enfants.
La porte s’ouvrit doucement, et un inconnu s’arrêta sur le seuil. Sa haute taille, ses yeux brillants, ses dents blanches dont un teint de mulâtre faisait ressortir l’éclat, son costume de velours noir constellé de broderies et son chapeau pointu, orné de rubans aux vives couleurs, annonçaient une profession bizarre et une origine étrangère ; toutefois son visage disparaissait presque entièrement sous d’épais favoris et une longue barbe noire.
Voir : Chromos lanterne magique enfants
Berthe et Anna eurent un petit mouvement de frayeur, mais Louis et Henri battirent des mains, avant même que le nouveau venu eût prononcé, d’une voix vibrante, ces mots qu’ils attendaient :
- « Lanterne magique ! Pièce curieuse ! Demandez, mesdames et messieurs. Voici la lanterne magique du signor Verdini.
- « Oh ! Papa, papa, fais-nous voir la lanterne magique » dirent à la fois les deux fillettes.
- « Il y a si longtemps que tu nous as promis de nous donner ce plaisir quand l’occasion s’en présenterait » poursuivit Louis, l’ainé des enfants.
- « Entrez, signor Verdini, et placez ici votre merveilleux instrument » dit monsieur Grandpierre.
- « C’est justement ce qu’il me faut, si vous me permettez d’ouvrir la pièce contiguë. Je me tiendrai sur le seuil et je ferai défiler mes tableaux sur le rideau que je vais placer en face. »
Plaque peinte à la main – XIXe
« Attention, mesdames et messieurs » dit le signor Verdini « Voici d’abord monsieur le Soleil qui sort de son lit de nuages et qui s’avance majestueusement… Il est suivi de madame la Lune au pâle visage qui éclaire les nuits d’une lumière douce et paisible… » Les enfants battirent des mains. De jeunes paysannes couronnées de fleurs et portant des guirlandes formaient une ronde sur l’écran à laquelle les sons d’un orgue de Barbarie servaient d’accompagnement… Les personnages, d’abord très distincts, grandirent en s’effaçant graduellement et firent place à une scène différente…
- « Si vous le permettez, mesdames et messieurs » reprit l’italien, dès que l’orgue eut cessé de faire entendre ses airs les plus joyeux « nous terminerons cette première partie de la représentation en vous faisant voir les principales villes de l’Europe avec les costumes de leurs habitants. »
Plaque peinte à la main – XIXe
Voir : Montreurs de lanterne magique - Bronze colporteurs lanterne magique serinette vielle
Lanterne de colporteur. Collection F.B.
Après le spectacle, on s’entretint du merveilleux instrument, et Henri put en expliquer le mécanisme à ses sœurs.
- « La lanterne magique » leur dit-il, « renferme une lumière dont les rayons frappent vivement des figures placées sur une lame de verre. Une lentille grossissante, comme celle d’un microscope, est fixée dans un petit tube qui fait suite à la lame de verre. Cette lentille développe énormément les figures, qui viennent ainsi se projeter sur le rideau. Vous avez dû remarquer que plus ces images grandissent, moins elles sont nettes. »
- « Oui ; mais comment grandissent-elles ? » demanda Berthe. « C’est sans doute le secret du signor Verdini ? »
- « C’est un secret simple ; plus il éloigne son instrument du rideau, plus les tableaux prennent de développement ; mais comme ils deviennent confus, il les remplace par d’autres au moment où ils sont sur le point de disparaître. »
Extrait du livre “La Lanterne Magique” par Eugène ROSARY à Rouen, Mégard et C°, libraires-éditeurs – 1876.
Voir : Lanterne magique et projections familiales – Toverlantaarn – La lanterne magique ou le spectacle amusant - Les savoyards, montreurs de lanterne magique
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