La lanterne magique dans les cabinets de physique
Posté par Patrice Guerin le 8 mars 2012
Cette gravure de 1698 qui représente “L’Académie des Sciences et des Beaux Arts” est l’œuvre la plus célèbre de Sébastien LE CLERC (voir PORTRAITS). Non content d’y installer une foule de personnages, de machines et d’instruments divers dont une lanterne magique, LE CLERC y inscrit des éléments retraçant sa propre carrière.
Le scientifique italien Giambattista DELLA PORTA (voir PORTRAITS) et l’un des tout premiers à s’intéresser aux phénomènes optiques, à la “camera obscura”, aux miroirs plans, convexes et concaves et même aux phénomènes magiques et merveilleux. Il installe dans sa maison de Murano, près de Venise, un cabinet rempli de curiosités qu’il fait visiter à tous les savants venant le rencontrer.
Au XVIIe siècle, l’Europe offre aux savants des conditions propices à l’étude des sciences et des mathématiques. La recherche passe de l’ère des spéculations à celle des inventions démontrées, comme en témoigne le “Discours de la méthode” de René DESCARTES. Des Académies des Sciences se créent dans différentes capitales européennes : l’académie dei Lincei à Rome en 1603, La Royal Society à Londres vers 1645, l’académie del Cimento à Florence en 1657 et l’académie royale des sciences de Paris en 1666.
En Allemagne, le jésuite Athanasius KIRCHER (voir PORTRAITS) publie en 1646 “Ars magna lucis et umbrœ”, un traité d’optique et de gnomonique dans lequel il parle de la lanterne magique.
Voir : Athanasius KIRCHER et la lanterne magique
Le français devient la langue diplomatique et s’avère un vecteur important de communication et d’échange. Les mathématiciens communiquent abondamment par lettres, confrontant leurs idées et annonçant leurs publications.
Cabinet de Géométrie de Mr LE CLERC dans laquelle il s’est mis en scène à l’intérieur d’un cabinet idéal empli d’objets dont il faisait collection, en train de faire une démonstration de physique à des savants venus le visiter. La première vue est le dessin original de M. LE CLERC vers 1710-1712, conservé au British Museum. Les suivantes représentent une vue d’optique du XVIIIe siècle.
Les avancées de GALILEE (1564-1642), de DESCARTES (1596-1650) et de NEWTON (1643-1727) – pour ne citer qu’eux – font leur chemin et vont provoquer un réel bouleversement de la pensée scientifique au XVIIIe siècle. Dans les principales villes d’Europe, des personnes “de qualité” collectionnent les curiosités naturelles, acquièrent des instruments de mesure et d’observation, tentent des expériences.
Lanterne magique Louis XV – Collection F.B.
En 1742, Paris compte dix-sept cabinets d’histoire naturelle, vingt et un en 1757 et soixante et un en 1780. Le développement est le même en province. Certains de ces cabinets de curiosités possèdent de véritables laboratoires dans lesquelles des physiciens-démonstrateurs exhibent toutes les applications nouvelles de la science, notamment celles qui permettent les effets les plus magiques : le magnétisme, l’électricité, l’optique, les propriétés de l’air et les encres invisibles.
Cabinet de physique de l’abbé NOLLET
L’un des premiers et des plus célèbres cabinets de physique de cette époque est celui de l’abbé NOLLET (voir PORTRAITS). N’ayant pas de fortune personnelle pour acheter du matériel, il se constitue progressivement un cabinet de physique en construisant lui-même, avec l’aide de quelques ouvriers, le matériel dont il a besoin : « Il y a là une foule d’instruments de physique, les uns absolument nouveaux comme ses machines électriques, les autres ingénieusement appropriés à de nouvelles expériences… rehaussés de motifs floraux et de filets peints à l’or sur fond noir ». Ce cabinet sera saisi à la Révolution et transporté en 1799 au Conservatoire National des Arts et Métiers, où il est encore.
Ouverts en 1738, ses cours de physique remportent un succès prodigieux. « On ne voit à sa porte que des carrosses de duchesses, de pairs, et de jolies femmes. Voilà donc la bonne philosophie qui va faire fortune à Paris. Dieu veuille que cela dure! » écrivait madame du CHATELET. L’abbé NOLLET a le talent d’intéresser des personnes de condition aux découvertes les plus récentes en électricité, en mécanique des fluides, en chronométrie.
Il publie de nombreux livres dont la série des “Leçons de Physique Expérimentale” en six volumes parmi lesquels le cinquième est consacré à la Lumière et à l’Optique. Il y explique que « La lanterne magique est un de ces instruments qu’une trop grande célébrité a presque rendu ridicule aux yeux de bien des gens. On la promène dans les crues, on divertit les enfants et le peuple, … ses effets sont curieux et surprenants, les trois quarts de ceux qui les voient ne sont pas en état d’en comprendre les causes ».
Les effets comparés du microscope solaire et de la lanterne magique en 1775.
Voir : Leçons de Physique Expérimentale de l’abbé NOLLET
Le XVIIIe siècle voit aussi la publication de la fameuse Encyclopédie de DIDEROT et D’ALEMBERT s’échelonne sur plus de vingt ans (1751-1772).
Source : Cabinet de physique SIGAUD DE LA FOND à Bourges
Pour plus d’informations cliqer ici
En 1779, Joseph-Aignan SIGAUD DE LA FOND (1730-1810) installe un cabinet de physique à Bourges. Après avoir suivi les cours de l’abbé NOLLET, il devient démonstrateur de physique expérimentale, d’anatomie et de physiologie au collège Louis-le-Grand à Paris, avant de revenir à Bourges, sa ville natale. Il est souvent considéré comme son successeur. L’un de ses ouvrages les plus célèbres, “Description et usage d’un cabinet de sciences”, préfigure l’équipement nécessaire au sein de toute institution vouée à enseigner les sciences au plus grand nombre, comme on en trouvera au XIXe et XXe siècles.
Voir : Un banc d’optique ancien fabriqué par la Maison MASSIOT
Dans trois des cabinets de physique présentés ci-dessus, on trouve à chaque fois une lanterne de projection Duboscq.
Voir : Les opticiens SOLEIL, DUBOSCQ et PELLIN
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